Bâtiments administratifs, centres commerciaux, sites industriels, bureaux, habitations individuelles ou collectives: on construit du neuf pour se loger, s’abriter, travailler. Mais, construire une maison, un bâtiment, ou aménager un nouveau quartier a de multiples impacts sur les écosystèmes naturels. Les notions de biodiversité et de services rendus par la nature demeurent encore assez mal connues dans le milieu de la construction.

Dans un contexte de pression urbaine forte, il ne s’agit plus seulement de préserver le patrimoine naturel existant au sein de quelques réserves, parcs et autres espaces protégés, mais aussi d’avoir des pratiques encadrées et des politiques d’urbanisme et d’aménagement du territoire à la fois ambitieuses et réalistes.

Le terme « biodiversité » ne se réduit pas à la seule variété des espèces. La biodiversité renvoie à toutes les formes de vie, mêmes les plus ordinaire. Souvent, il n’est pas simple de faire comprendre quel est l’intérêt de protéger une espèce en péril tel que la Cordulie splendide ou l’Agrion bleuissant.

On a tendance à catégoriser et à mettre les choses dans des boites. Mais la nature ne fonctionne pas comme cela. Les espèces sont intimement liées au milieu dans lequel elles évoluent. C’est pourquoi le terme biodiversiét est beaucoup plus large. Il englobe toutes les interactions qui se produisent entre les espèces, dans les écosystèmes. Ainsi une mare, une prairie, un sol, un estomac, une forêt, sont autant d’écosystèmes où la vie s’opère.

La diversité c’est l’abondance des interactions. Voyez ici un exemple d’interactions entre les pollinisateurs et les plantes à fleurs.

Une meilleure connaissance des écosystèmes est essentiel pour tendre vers une valorisation et une restauration de la biodiversité.

Pour améliorer notre compréhension de l’importance de la biodiversité, le Millenium Ecosystem Assessment a popularisé en 2004 la notion de services écosystémiques, autrement dit les « services » que nous retirons du bon fonctionnement des écosystèmes tels que l’épuration de l’eau douce, la fertilité des sols, la production d’oxygène, la pollinisation, la capacité à produire des matières premières (bois, fibres, aliments), la régulation des maladies, etc. Ces attributs indispensables à nos vies n’existeraient pas sans la biodiversité.

La biodiversité menacée

La Terre aurait vu disparaître près de 60% de ses espèces entre 1970 et 2014, un rythme estimé cent à mille fois supérieur au taux d’extinction naturelle. La biodiversité est en voie de régression rapide.

L’agriculture intensive et l’urbanisation sont les responsables principaux de cette anthropisation et artificialisation des territoires.

La biodiversité fournit des services « gratuits » mais pourtant stratégiques : oxygène, nourriture, matériaux, traitement de l’eau, recyclage des déchets, stockage du carbone, etc.

Notre dépendance à la biodiversité a été évaluée et chiffrée :

Pour la période 2000-2050, il est estimé que nous perdrons chaque année une valeur équivalente à environ 50 milliards d’euro. Et ce rien que pour les services rendus par les écosystèmes terrestres.

Source : Millénium Ecosystem Assessment.
Les écosystèmes, où interagissent espèces et milieux, sont à l’origine de nombreuses fonctions et services dont nous dépendons pour notre économie et notre bien-être.

Les métiers de la construction un impact considérable et un rôle à jouer.

La filière consomme des matières premières en quantité significative et à un rythme rapide.

En premier lieu, le milieu naturel, donc la biodiversité, est un fournisseur important du secteur du bâtiment (matériaux, etc.).

Tous ces travaux utilisent des matières premières sous forme de substances minérales :

  • soit naturelles, sables et graviers ;
  • soit obtenues artificiellement par concassage de roches naturelles, les granulats.

Si la filière dépend de la biodiversité, elle est aussi en partie responsable de sa dégradation.

Chaque année en Europe, les infrastructures bâties avalent plus de 1 000 km2 de terres ou de forêts. La moitié de ses terres est rendue imperméable par des revêtements artificiels tels que le bitume, ou le béton. L’imperméabilisation des sols limite leur capacité à assurer leurs fonctions naturelles telles que l’épuration de l’eau, le recyclage de la matière organique, la croissance des plantes, ou le stockage de carbone. 

La construction entraine aussi la fragmentation de l’espace, au détriment des habitats naturels. Cela nuit aux populations animales et végétales qui y vivent et qui s’y déplacent.

Enfin, la perte de couvert végétal réduit d’autant plus le stockage de carbone.

Bref, si le secteur de la construction ne se met pas directement en péril, il pénalise les autres acteurs du territoire. En effet, c’est toute la société qui pâtit de la dégradation des écosystèmes. 

Des villes et des bâtiments à « biodiversité positive »

Fonctions environnementales des villes Il est pourtant possible d’utiliser de manière efficace et cohérente les capacités naturelles de notre environnement. Par exemple, la ville de New York a fait le choix d’aider à l’amélioration des techniques de gestion agricole du bassin versant (en amont de la ville) pour empêcher l’écoulement de déchets et nutriments dans les cours d’eau environnants. Cela a permis de rendre à la nature son pouvoir épurateur et à la Grosse Pomme de limiter les coûts à 1,5 milliards de dollars’ (contre 6 à 8 milliards pour la construction de nouvelles usines de traitement d’eau).

Il est également possible de rénover certains îlots urbains et certaines parties des bâtiments (façades, poteaux, etc.) en abritant ou en facilitant la vie de nombreuses espèces d’animaux et de végétaux. En effet, ces derniers permettent notamment de réguler la température et le taux d’humidité de l’air. À l’échelle du quartier, il est particulièrement intéressant de favoriser la conception d’espaces (ou de couloirs) verts qui permettent la recolonisation des milieux. À l’échelle d’un territoire, les trames vertes (pour les écosystèmes terrestres) et bleues (pour les systèmes aquatiques) doivent être prises en compte pour la circulation des espèces animales et végétales et le brassage des populations.

Cela confère à la filière la responsabilité de réduire fortement son empreinte écologique, mais aussi de rembourser sa dette envers la biodiversité. 

Une réflexion de fond sur le modèle économique de la filière s’impose : prix des matériaux, normes de construction, principes architecturaux, documents d’urbanisme, investissement dans la recherche et développement de nouveaux procédés. Par ailleurs, l’émergence de nouveaux métiers, comme l’ingénierie écologique, et l’ouverture des savoir-faire traditionnels à l’écologie scientifique sera indispensable.


Intégration aux critères d’évaluation de la qualité environnementale de l’aménagement et du bâtiment

Ces préoccupations sont de plus en plus prises en compte. Il existe désormais des labels pour aider les acteurs de la construction. On observe également une prise de conscience grandissante des pouvoirs publics. Aujourd’hui, il est possible de construire avec la biodiversité en intégrant les concepts du génie écologique à toutes les phases d’un projet urbain : planification urbaine, opération d’aménagement, conception, chantier, exploitation et fin de vie des bâtiments.

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