Aujourd’hui, je m’adresse à toi pour parler d’un sujet qui traverse les générations, mais qui, dans mon cas, a pris une dimension presque angoissante : l’argent. Pas l’argent pour les petits plaisirs du quotidien, ni même pour planifier de grandes vacances. Non, je parle de cet argent qui représente la sécurité, les efforts de toute une vie, celui que l’on économise avec l’espoir d’un avenir stable, celui qu’on hésite à dépenser, car une fois parti, il semble irrécupérable. J’ai bientôt 31 ans, et comme beaucoup de femmes et d’hommes de ma génération, je me retrouve face à un dilemme qui devient de plus en plus pressant. Pour devenir accéder à la propriété, il faut que je mette sur la table toutes mes économies, chaque centime que j’ai patiemment mis de côté.
C’est un pari, mais pas un de ceux qu’on prend à la légère.
C’est pour moi un passage obligé, qui m’angoisse. C’est un saut dans l’inconnu, un précipice que je n’ose pas vraiment contempler, et dont je ne vois pas le fond. Tu vas sans doute me dire que je dramatise. Après tout, pour toi et ta génération, devenir propriétaire était souvent considéré comme l’étape naturelle de la vie d’adulte. Tu me diras peut-être : on ne se posait pas autant de questions, avant.
Mais de mon côté, les choses semblent bien plus complexes. J’ai l’impression que devenir propriétaire aujourd’hui, c’est s’engager dans une course à l’endettement, où l’on mise toutes nos cartes sur la table, en espérant simplement que le jeu ne se retourne pas contre nous. J’en suis venue à me demander si cet acte, qui autrefois était le symbole d’une stabilité financière, n’est pas devenu aujourd’hui une sorte de mirage.
L’accès à la propriété me semble être une porte à double tranchant : elle pourrait me conduire vers la sécurité que je recherche, ou bien m’enfermer dans une précarité insidieuse.
Un marché immobilier hors de portée
Quand je regarde les prix de l’immobilier aujourd’hui, c’est comme si je contemplais un paysage irréel. Les montants affichés semblent démesurés, hors de portée pour une personne de ma génération. Je me demande souvent comment les autres s’en sortent. Comment font-ils pour acheter, alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter. Comment font-ils pour acheter, alors que les salaires stagnent, et que chaque jour apporte son lot d’incertitudes économiques ?
Acheter une maison ou un appartement, ce qui devrait être le fondement d’une vie adulte stable, est devenu un défi presque impossible à relever… Nous sommes dans une course effrénée où, même en travaillant, il devient difficile d’épargner assez.
Accéder à la propriété en 2024
Chaque euro que j’ai plus ou moins difficilement mis de côté, tout cela disparaîtra dans l’achat d’un bien immobilier. Cela peut sembler logique, et peut-être que c’est ce que tout le monde fait. Mais pour moi, ce n’est pas simple.
Parce que je me demande, et après ? Que se passerait-il si un imprévu financier surgit ? Que se passerait-il si les dépenses courantes deviennent trop lourdes à porter ?
Je sais que ta génération a traversé des périodes de sacrifices, que vous avez travaillé dur pour construire des vies stables. Peut-être te demandes-tu pourquoi cela me paraît si compliqué. Je te l’accorde, beaucoup ont déjà pris ce chemin avant moi.
Mais aujourd’hui, les règles du jeu ont changé. Les prix montent en flèche, et l’idée même de pouvoir accéder à la propriété semble s’éloigner à mesure que les années passent. Je sais aussi que tu pourrais me dire que celui qui n’investit pas ne récolte rien, que les plus grands gagnants sont souvent ceux qui prennent les risques les plus élevés.
Mais ce que je ressens n’est pas une simple appréhension passagère, c’est une véritable peur. J’ai peur de tout perdre. Peur de me retrouver prise dans un système où je ne serais plus maître de mes décisions. Peur, en somme, de ne pas être à la hauteur de ce que signifie vraiment devenir propriétaire aujourd’hui.
La précarité masquée derrière la propriété
Ce que je redoute surtout, c’est cette insécurité qui rôde en arrière-plan. Je pensais l’avoir laissée derrière moi, après des années à construire une certaine stabilité financière. Mais l’idée de tout investir dans l’achat d’un bien immobilier me donne l’impression de revenir en arrière, de renoncer à cette sécurité durement acquise. C’est comme si, en devenant propriétaire, je devais abandonner cette marge de manœuvre, cette flexibilité qui me permet de vivre confortablement. Et l’idée de renoncer à cette liberté, même en échange d’une stabilité apparente, me terrifie.
Je crois que je ne suis pas seule à ressentir cela. Je crois qu’il y a beaucoup de gens de ma génération qui, comme moi, ne comprennent pas comment naviguer dans ce monde immobilier d’aujourd’hui. Les prix semblent hors de portée, les règles incompréhensibles… Et pourtant, on nous pousse constamment à investir, comme si c’était la seule voie possible vers une vie accomplie.
Je ne te demande pas des réponses simples, ni des solutions toutes faites.
Je sais que chaque situation et que chaque époque est différente.